L’impact du COVID-19 sur le sport international

17 juillet 2020

Le 22 mars, le CIO (Comité international olympique) se donnait quatre semaines pour prendre une décision sur le report ou non des Jeux de Tokyo 2020. Deux jours plus tard, le mouvement olympique annonçait le décalage de l'événement en 2021, qui se déroulera finalement du 23 Juillet au 8 août 2021.

Pour prendre telle décision, le CIO aurait dû négocier avec ses principaux bailleurs de fonds à savoir : COCA-COLA, AIRBNB, VISA, ALIBABA, HYUNDAI, SAMSUNG, ATOS, INTEL…

D’après la presse économique japonaise, la facture du report des JO au Japan va se chiffrer en milliards. Le budget de Tokyo 2020 s'élevait à 11,6 milliards d'euros (5,1 milliards du comité d'organisation et 6,5 d'argent public). Selon un quotidien économique japonais, ce coût pourrait augmenter de 2,5 milliards d'euros. Alors que certaines sources proches du CIO ont envisagé la suspension de cette édition en cas d’un deuxième report.

Cette lourde facture se justifie par : la maintenance des structures sportives, le surcoût de l'immobilisation du village olympique qui devait être transformé en appartements après l'été 2020, les conséquences sur le secteur touristique...   Alors, une perte conséquente sur l’économie et le contribuable japonais qui vont devoir payer très cher la facture olympique.

Le CIO va-t-il aider l'État nippon en utilisant une partie de ses gigantesques droits TV, et en demandant aux sponsors de remettre au pot ? Dans ce type de dossier hors norme, les pays organisateurs cherchent des montages afin de limiter le manque à gagner :

Adopter un nouveau système fiscal (cadeaux fiscaux pour attirer des partenaires olympiques) ;

Inventer de nouvelles taxes (qui pèseront soit sur la population, soit sur les grandes entreprises nippones) ;

Remanier le budget annuel de l’Etat japonais ;

Activer les garanties d'assurance pour assurer un accompagnement juridique meilleur.

Fiasco du sport business

En Europe, l’arrêt des cinq grands championnats européens de football (France, Italie, Allemagne, Espagne et Angleterre) en mi-Mars à cause de la propagation rapide de la pandémie COVID 19 qui a causé un vrai krach financier et économiques des clubs européens. De ce fait, l’UEFA a demandé et a même exigé aux fédérations nationales de terminer les championnats dès que les conditions sanitaires le permettent et a renoncé à la décision de la fédération belge de clôturer le championnat en offrant le titre de champion au club de Bruges, leader du championnat jusqu’à la date d’arrêt à cause du COVID 19.  Deux semaines après, les autorités hollandaises ont décidé d’annuler l’édition 2019/2020 de l’Eredivisie, idem pour la France, dont le premier ministre P.EDOUARD a annoncé mardi 28 avril, l’impossibilité de poursuivre les événements sportifs à savoir la ligue1 et le tour de France dans cette période, malgré la réticence des clubs surtout ceux engagés en compétitions européennes comme le PSG et L’OL qui se voient pénalisés devant leurs rivaux italiens, espagnols, allemands, et anglais qui vont reprendre leurs championnats locaux en Mai et Juin 2020.

Si les championnats ne reprennent pas (501 rencontres encore à disputer), les pertes seraient comprises entre 3,45 et 4 milliards d'euros, selon KPMG. Ainsi, le retour tardif du championnat italien prévu en mois de juin va couter au moins 1 Milliard d’euros de perte et une baisse de la cote financière des clubs en raison de 20% selon la presse italienne spécialisée.

Le plus touché serait la Premier League anglaise avec 1,15 à 1,25 milliard d'euros de pertes. Concernant la Ligue 1 française, le montant estimé est compris entre 300 et 400 millions d'euros, liés à la disparition des recettes billetterie, des contrats commerciaux ou de sponsoring, mais aussi et surtout des droits TV. Une très mauvaise nouvelle pour les clubs de Ligue 1 est tombée: sur les 200 millions restants à distribuer, en l'absence de matchs actuellement, Canal+ a annoncé qu'elle ne paierait pas la traite de 110 millions à verser le 5 avril.

Pour aider les entreprises en difficulté, l'État français a autorisé le chômage partiel, et les clubs ont rapidement saisi l'occasion. En net, un joueur de L1 touchera 84% de son salaire habituel. De toutes petites économies, comparé aux millions des droits TV qui ne devraient pas être perçus.

Dans le journal L'Équipe, Richard Duhautois, spécialiste de l'économie du football, apportait quelques précisions sur le business model footballistique : « Le propriétaire du club écossais de Heart of Midlothian (Édimbourg) a demandé à ses joueurs d'accepter de réduire leur salaire de moitié. En France aussi, il est toujours possible de baisser le salaire d'un salarié, mais avec son accord, et en respectant le salaire minimum et le salaire conventionnel minimum de la branche, notamment en cas de difficultés économiques. Nous sommes dans ce cas. Certains clubs vont peut-être estimer que le chômage partiel ne suffit pas, sachant que les salaires peuvent représenter jusqu'à 60% et plus de leur budget. ». La majorité des clubs européens (Barça, Juventus, Real, Bayern,)  ont entamé des négociations avec leurs joueurs, staffs techniques, coachs, salariés … pour réduire leurs salaires et adopter des plans d’austérité aussi bien au niveau du prochain mercato estival en sollicitant des prêts pour les joueurs convoités ou procéder à des échanges de joueurs, aussi au niveau des investissements : la majorité des clubs mêmes les plus riches en Europe ont opté pour un report ou une annulation de leurs investissements en infrastructures : magasins, terrains, stades, hôtels, restaurants,…

La présentation annulée, c'est toute une chaîne qui a été bloquée en conséquence : fabricants, fournisseurs, distributeurs... La plupart des équipementiers fabriquant en Chine, certains ont évidemment constaté des retards de livraison.

Chez Adidas, les chiffres montrent à quel point la mise en quarantaine chinoise a impacté le monde du sport: -80% sur ses revenus en Chine entre janvier et février 2020, soit une perte de 800 millions à un milliard d'euros. Par ricochet, la fermeture des magasins un peu partout va pousser les distributeurs à réduire leurs achats, entraînant semble-t-il une baisse de 50% des commandes auprès des équipementiers.

Alors, les différents acteurs s'organisent, car rien ne sera plus pareil. En France, l'importante baisse des recettes a poussé certaines ligues comme la LNR (Ligue nationale de rugby) à créer un groupe censé évaluer l'impact financier de l'arrêt des compétitions et de trouver une manière d'accompagner les clubs et le monde sportif dans cette crise.

La masse salariale constitue le plus gros poste de dépenses pour un club, alors sans recette en face... Au PSG, lors de la saison 2018-2019, la masse salariale s'élevait à 371 millions d'euros sur un budget de 637 millions. Combien de temps cela va-t-il durer et combien de temps les clubs pourront-ils gérer ces échéances ? Comme alternative à court terme, ils pourront faire appel aux mesures de soutien du gouvernement et de la Banque publique d'investissement. Aussi, La FIFA et l’UEFA ont promis et les clubs et les fédérations nationales des aides financières pour faire face au krach économique causé par la pandémie COVID 19, mais qui restent minimes par rapport aux dégâts financiers causés par la pandémie à l’exemple de la somme des 500 000 Euros versés à la FRMF.

Le sport business fortement impacté

La propagation de la pandémie a chamboulé les calendriers des championnats locaux et des compétitions continentales (Copa America, Coupe d’Europe des Nations, Champions League européenne, Europe Leaugue, Champions League africaine, la coupe de la CAF…), voire internationale comme les jeux olympiques programmées initialement en été 2020 au Japan. La crise du COVID-19 a remis à plus tard la présentation officielle du nouveau maillot de l'équipe de France de football, inspiré de la Coupe du monde 1998. Prévue le 23 mars, elle a été reportée à plus tard avec le décalage de l'Euro en 2021. Et ce alors que Nike avait cette fois anticipé en assurant d'importants volumes pour ne pas revivre le fiasco du maillot deux étoiles introuvable plusieurs mois après le sacre des Bleus à Moscou lors de la Coupe du monde 2018.

Le sponsoring souffre

 Plusieurs diffuseurs et annonceurs vont revoir leurs engagements envers les entreprises ou les événements sportifs avec lesquels ils avaient signé un contrat de parrainage. Cela est certain, et c’est le cas de plusieurs sponsors et parrains internationaux qui ont sollicité des crédits auprès de la banque européenne à l’instar du l’équipementier allemand ADIDAS qui parraine plusieurs événements sportifs grandioses dans le monde entier. Il est clair que le huis-clos imposé de facto sur ces compétitions prive les annonceurs des retombées médiatiques, un des retours sur investissements majeurs du sponsoring. Dans le cas du foot, cela s’ajoute à la perte causée au niveau de la billetterie. « Pour ce qui est des événements reportés, cela ne remet pas en cause les engagements des sponsors, car il s’agit d’une force majeure », selon le GAM (Groupement des Annonceurs du Maroc). Néanmoins, cela n’empêche pas qu’il y aura préjudice. Les événements programmés actuellement bénéficient du pic commercial de mars et avril. Le report jusqu’à septembre ou novembre, comme dans le cas du MDS et du Titan Desert, prive les sponsors de ce « prime time annuel » commercial et de ses bénéfices. « La période du début de l’année est une période de renouvellement des contrats de parrainage. Ce n’est pas une période de pic », conclut notre source.

La publicité se porte bien

La propagation de la pandémie COVID-19 aura certainement un impact dévastateur sur les budgets alloués au sponsoring et aux relations publiques, la crise financière qui frappe la majorité des clubs et institutions sportives à cause de l’arrêt des compétitions sportives ou la reprise de ces compétitions à huit-clos et sans public. Ainsi, plusieurs diffuseurs privés des compétitions européennes ont opté pour le décryptage des matchs diffusés afin de récompenser les droits TV par publicité. Si la situation persiste, les coupes sur les budgets toucheront en premier lieu le sponsoring et la publicité. Dans le cas de suspension des compétitions, y compris les ligues de football, les clubs feront sûrement face à un autre problème. En état de cessation d’activité, ils devront verser des salaires aux joueurs et aux techniciens. Sachant que la masse salariale constitue 80% des charges des clubs, cela serait sans aucun doute dévastateur sur leurs finances.

Le fiasco de l’industrie sportive

L’industrie européenne en général n’échappe pas au krach financier et économique causé par la propagation du COVID-19et aussi l’arrêt de l’activité de la majorité des producteurs et des fabricants dans les quatre coins du monde, d’où les états et les gouvernements ont dû revoir leurs taux de croissance en baisse à l’instar du gouvernement américain qui a prévu une baisse de 4,8% du taux de croissance américain en deuxième trimestre 2020.

 L’industrie européenne du sport est fortement impactée par l’épidémie de COVID-19, avec 45% des entreprises membres de la FESI qui déclarent une perte de chiffre d’affaires comprise entre 50% et 90% depuis le début de la crise. 

« La fermeture des magasins dans toute l’Europe et à l’étranger, ainsi que les changements de comportement des consommateurs à cause des conditions de confinement entraînent une baisse importante des ventes, déclare Neil Narriman, président de la FESI. La plupart de nos entreprises ont actuellement du mal à faire face à des coûts fixes, qui créent des pénuries de liquidités importantes ».

 

Par DR. Abdelbassat EL HAJOUI (Responsable pédagogique de la Sports Management School Rabat)